La voiture stoppe à côté du muret, dans un sous-bois éclairé par un soleil jaune de 16h. Un cahier rouge posé sur les genoux et le marqueur en mains : c'est parti pour une première prise de notes, les fesses calées au fond du baquet d'un mulet blanc dont le pare-chocs arrière fond comme du beurre au fil des kilomètres. Attentive aux conseils de Thierry, je me prépare à découvrir ce qui secouera mon coeur dans tous les sens dans moins de trois semaines.
La route est large dans un décor vert pomme, l'asphalte est plutôt lisse : c'est du rapide jusqu'à 100 mètres avant ce col où l'asphalte vieillit d'un coup ! Et dans ce premier "gauche 140 au rail" qui tourne autour d'une falaise agressive, la voiture entame son aventure rocailleuse sur une route si étroite qu'on ne peut imaginer Frédéric Sauvan passer la sixième et en sortir vivant. On se dit simplement que c'est impossible ! Les virages défilent, les enchaînements gris comme la roche ressemblent à l'infini. Ecrasés contre une haute falaise à gauche, l'on se sent attiré par le vide des gorges à chaque virage à gauche. "Regarde où ils sont tombés ceux-là" lance Thierry lorsque mon regard se porte sur le muret déchiré laissant découvrir un vide abrupte vers l'eau bénite. Comme la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, l'on espère que les sorties non plus !
Au deuxième passage, la lecture des notes sera parsemée de fautes qui vous rassurent : non, vous n'êtes pas une sur-femme... mais bien une débutante un peu trop passionnée. Et alors qu'on ne devait pas rouler vite, mes notes parfois hâchées arrivent aux oreilles du pilote telles un souffle énergique et je sens qu'on est prêt à déconnecter... un léger aperçu de ce dont parlent les rallymen : le moment où ils "déconnectent". On aimerait presque déjà y être !
La deuxième route se fera en montée puis en descente... impliquant deux prises de notes à la suite ! Très rapide, cette spéciale enchaîne des lignes droites parfois interminables avec peu de repères ! Une série de virages "très longs" dont on cherche la fin, quelques surprenants angles qui referment et un enchaînement de huit virages identiques rendent la spéciale difficile pour celui qui tient le cahier. Et malgré ces difficultés qui commencent à me stresser tant je sais que je peux perdre le fil à tout moment, Thierry reste calme et sourit : "Je sens que tu stresses par rapport à tout à l'heure, tu te mets la pression !". Et c'est là qu'on comprend qu'on ne peut rien cacher à son pilote : tout se ressent dans la voix et la diction. Un remède quand on est perdu : calme, réaction et maîtrise de soi. Il ne reste plus qu'à l'appliquer.
La nuit tombe. Il est 21h dans ce beau pays. "Thierry, tu te sens de refaire un passage sur la première spéciale pour voir ce que cela donne la nuit ?" demande la copilote désireuse de connaître les "pires" difficultés de la course dès ce soir... elle n'aime pas attendre. Et c'est reparti pour cet épisode rocheux dans une nuit très sombre où les phares de la saucisse blanche fatiguée (106 pour les charcutiers) se projettent violemment contre une falaise aux reflets blancs éblouissants. Alors que nos repères sont moins visibles, je me sens étrangement bien. J'apprécie même beaucoup tous ces balancements dans le "technique" comme on dit ! Dans l'épingle gauche, alors que Thierry y va "tout doux", je suis poussée vers la droite et je lui lance la note "...sur gauche à fond sur épingle droite" dans une voix tremblante des imperfections de la route usée. "Un bambi !" lance Thierry en gardant l'allure. A peine ai-je le temps de sourire en voyant l'animal ! Et ça roule jusqu'en haut où l'on éteindra la faible lumière de lecture du plafonnier.
Finalement, peu importe si je n'ai pas le don de copilote parce que j'ai déjà le coeur qui s'emballe et c'est le meilleur don qui soit : savoir prendre du plaisir. "En tous cas, j'espère que je te ferai aimer le Rallye" restera cette phrase simplement altruiste de Thierry telle qu'il y a peu d'êtres humains capables de la dire et de la penser en ce moment. Espérons surtout que je serai à la hauteur de la tâche...
(Listening to Donna Lewis - I love you always forever)
Finalement, peu importe si je n'ai pas le don de copilote parce que j'ai déjà le coeur qui s'emballe et c'est le meilleur don qui soit : savoir prendre du plaisir. "En tous cas, j'espère que je te ferai aimer le Rallye" restera cette phrase simplement altruiste de Thierry telle qu'il y a peu d'êtres humains capables de la dire et de la penser en ce moment. Espérons surtout que je serai à la hauteur de la tâche...
(Listening to Donna Lewis - I love you always forever)
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