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Rallye Vins du Gard : Neige saupoudrée sur la déception d'un pilote

"Réjane, tu es engagée au Rallye des Vins du Gard. Je compte sur toi", ce sont les mots de Sébastien Ceugnet. Alors que je pensais "Ce n'est vraiment pas raisonnable !", mon sourire dit plutôt : "Il en a du culot, celui-là !". Et je m'embarque dans cette petite aventure : un rallye régional "court" avec seulement deux spéciales à parcourir 3 fois dans les alentours de Remoulins, à côté d'Avignon. Rien de bien méchant ! Et l'on court dans la classe N1, ceux qui partent en dernier ! "Ils annoncent de la neige" je dis avant de quitter la maison. Personne ne s'inquiète.

Qui est Sébastien Ceugnet ? "Un fou", disent les copilotes au départ des spéciales. D'abord, il est l'inverse d'Olivier Hugla (mon pilote du rallye Norvégien). Souvenez-vous de cette AX violette qui déboulait sous nos yeux écarquillés comme une bête furieuse, frôlant la falaise à l'arrivée de la route des crêtes au Rallye Sainte Baume 2005 ! Avec mes amis, nous pensions : "C'est comme lui qu'il faut conduire notre AX Spot rouge !"... et bien, Sébastien Ceugnet, c'était lui. Deuxièmement, c'est un de ceux qui ont souvent gagné des victoires de classe en N1, dont on parle un peu dans la Région, qui n'aiment pas perdre... et qui sont "sérieux" parce que "c'est comme ça que l'on peut réussir", dit Thierry. En bref, c'est un personnage... "Tu ne connais pas Ceugnet ?!" me demandait Rémi, effaré et malicieux, en me testant lors de mon premier jour de stage chez FMS. Et bien, maintenant, je le connais un petit peu plus, mon cher Rémi !

Au départ de ma première spéciale aux côtés du "Seb régional", je flippe un peu. Je tape du pied, comme toujours, impatiente. "Et s'il était si fou qu'on le dit ?", je pense... Et alors ? Qu'est-ce que cela changerait au contrat ? Ils ont raison : nous pensons trop ! Avant l'ES1, un arrêt de course d'une heure fait retomber la pression dans le cock-pit de la petite AX rouge ! Sébastien, tant bavard, parle peu. Il y a un endroit où l'asphalte est très gras et trois voitures sont sorties. Un commissaire conseille de lever le pied dans ce virage. Mais lequel est-il ? Tous les pilotes aiment dire : "Note-le, hein, tu vois lequel c'est, bien sûr ?" Et le copilote espère qu'il visualise la bonne note. Je me suis déjà trompée dans le passé (désolée Thierry pour la mauvaise corde dans Opedette), mais cette fois je suis sûre (ou presque) ! 5, 4, 3, 2, 1, Go ! Le fauve est lâché ! A l'approche des virages serrés, Sébastien ne freine pas beaucoup. Il faut garder la relance. Arrive le rapide, dans ces "4 Droite qui jettent", c'est pour les gros cœurs ! L'AX vous bouscule, elle "glissouille" et rebondit... son comportement m'est connu, inconsciemment. Pourtant, elle est différente de notre 106 Rallye en A5. Dans le "fameux" endroit, j'insiste sur le danger de cette note... ça glisse ! C'était un piège et nous sommes fiers de l'avoir surligné dès les reconnaissances. Dans l'ES2, nous partons pneus froids et frôlons un tête à queue contre un muret. "On a failli partir à la faute" me dis Sébastien à l'arrivée, satisfait et enthousiaste. Dans les enchaînements de virages qui referment, c'est passé vite ! Dans le "long 4 Droite Tenir", il fallait tenir... jetés vers la gauche... mais nous passons l'arrivée bien en ligne ! Au chrono, 15 secondes d'avance sur le deuxième de classe et 22 secondes sur le troisième après ces deux ES. Cela semble être une bonne avance après avoir couru 11,4kms.

Une assistance sous la neige aux alentours de 14h annonce un changement de rythme dans le rallye. Sébastien est à nouveau silencieux et marmonne quelques mots au sujet du choix de pneus. Dans le camion, nous avons des pneus thermogomme de tourisme. Il réfléchit. Je lui parle du taux d'humidité qui est important pour imaginer la texture de cette neige qui tombe et recouvrira sous peu l'asphalte. Va-t-elle tenir ou s'enfuir avec le vent ? Il nous faudrait un témoin en spéciale pour nous indiquer l'état des routes. Bref, nous partons optimistes jusqu'au pointage de sortie de parc, où je vois que plusieurs concurrents ont chaussé des pneus slick, comme nous, mais d'autres partent en pneus pluie. Sur la ligne droite, avant le départ de l'ES3, c'est un immense tapis neigeux qui recouvre le vieil asphalte de Valliguières. "La neige tient depuis que trois voitures sont parties ! Cela vient d'arriver !" me dit la commissaire de pointage (cf. photo de la Saxo A6 de Larguier sur le même passage). Deux voitures derrière nous, je vois qu'il y a une 106 armée de pneus pluie. Sébastien est perplexe. Il s'en veut déjà... il pense à ses pneus thermogomme que nous aurions pu chausser et surprendre tout le monde ! "Il va falloir rouler comme sur des œufs, je lui dis. Assure au maximum, mais ça va aller !". En fait, moi : j'y crois ! Peut être à tort, vous me direz... Le départ est lancé : les roues patinent. Dans le premier gauche, nous glissons lentement et Sébastien se bat avec le volant pour ramener la bestiole sur le droit chemin. La route est recouverte d'un fin tapis de neige collante, parfois "gadoue". Je sens que Sébastien n'est plus dans la course, il est ailleurs... il est 30 minutes plus tôt quand nous aurions du monter des pneus adaptés. "C'est l'arrivée ? C'est l'arrivée ?" me demande-t-il. A peine la cellule de chronométrage dépassée, Sébastien arrête la voiture. Il me demande de regarder mon chrono pour évaluer l'allure du concurrent de derrière. "Il est à plus d'une minute, Sébastien", je lui indique. "Tu sais, les autres n'auront pas roulé plus vite ! Ils auront sauvé la mise, comme nous", j'essaie de le rassurer. Mais il doute, il pense qu'un petit malin va nous "voler" la victoire de classe. Moi, j'essaie d'y croire... comme toujours dans ces moments, l'enfant gâté que je suis y croit dur comme fer !

Sur la liaison vers l'ES4, les pilotes s'arrêtent et échangent quelques mots : le timing est large et le permet. A la manière de claquer sa porte, Sébastien est déjà déçu. Je m'approche des concurrents de notre classe. J'entends des temps: 8'20, 10'02... et 6'46 !! Là, j'ai l'impression que tout mon corps se vide de quelque chose... et je ne sais pas quoi. J'aimerais ne pas avoir à le dire à Seb. "Tu vois, je te l'avais dit !" dit-il tellement déçu qu'il n'y a plus de mots pour le décrire. Le concurrent qui nous devance avait pourtant fait des temps loin des nôtres. Mais sur cette courte distance, seules de telles circonstances ou une erreur de notre part pouvaient lui permettre de prendre la place ! Sans pression, armé de pneus pluie, le "malin" s'est amusé sur la neige (il avait déjà roulé sur la glace). Nous apprenons qu'après l'ES4, le rallye sera annulé. Nous n'avons plus aucune chance de jouer la gagne avec 50 secondes de retard. En rentrant dans l'auto pour s'avancer vers la dernière spéciale, le climat est bizarre. Alors qu'aux côtés de Thierry, j'aurais laissé sortir mon désespoir et ma rage... Sébastien l'a fait à ma place, au point que je reste sans voix. Il s'exprime sans retenue pour "au moins deux". Même si ses mots sont enragés, il est triste, tout simplement. Et même s'il me fait peur avant de s'élancer vers cette dernière ES fatidique, je comprends sa déception... et j'aimerais pouvoir tout changer, revenir en arrière et me taire sur la "putain" d'humidité de la neige. Dans l'ES4, nous avons roulé fort pour le spectacle sur cet asphalte humide... Mais rien n'y fera, nous serons deuxième. Et je n'arriverai pas à réconforter mon pilote.


Le rallye annulé, nous remballons tout l'attirail d'assistance et prenons la route en vitesse sous une neige épaisse qui tombe sur nos capots. Sébastien est pressé et gentiment directif. A peine sorti de la ville de Remoulins, un bouchon de 18 kms nous stoppe. Au volant d'une AX Gti avec Flo, je suis le camion d'assistance dans lequel Sébastien est tout seul. Alors que je deviens folle au bout de 3h pendant lesquelles nous avons parcouru à peine 10 kms, Sébastien décide d'installer les chaînes sur le camion tractant l'auto de course dans 15 cm de neige fraîche. "Pourquoi veux-tu monter les thermogommes sur l'AX que je conduis ? Tu sais, je sais conduire dans la neige..." j'interroge. "Parce que je te le dis ! C'est tout." sera sa réponse. Je comprends ce que "ne pas douter" veut dire. Il faudra 6h30 pour arriver à Marignane, à côté de Marseille. En voyant cet homme seul sous la neige, dans ses vêtements simples, portant des yeux demandant de l'aide mais distribuant des paroles énergiques, je comprends une fois de plus que courir en rallye avec ses moyens et ses espoirs, c'est un investissement personnel gigantesque. Malgré l'ironie de cette situatio, il sourit souvent, les pieds dans la neige, au milieu de files continues de voitures, et nous jette des boules de neige à la figure. Flo et moi l'avons trouvé courageux ! Il répondra à cela "que la vie lui a appris à se débrouiller tout seul". Cela me fait penser à Thierry qui pouvait partir seul quand personne ne daignait le suivre au bon moment. Rémi avait raison "Dans le rallye, nous sommes tous les mêmes, avec les mêmes espoirs et le même cœur à vif..." ou presque. Mais Seb, tu n'étais pas seul... nous étions là, tels que nous sommes !

Sébastien aime gagner. Comme tout le monde, c'est sûr... mais pas pour les mêmes raisons peut-être ? Et seul lui les connaît, ses raisons ! Stéphane Brunier a trouvé l'adjectif que je cherchais pour décrire Sébastien : "incompris", comme beaucoup de passionnés. Parti pour un nouveau projet, Sébastien sera de retour sur une Saxo VTS en N2. Passant son temps libre à travailler sur sa nouvelle monture, il devrait figurer sur les listes d'engagés début mai... et je serai à ses côtés.

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