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Rally Finnskog : Trouble me, I don't care... 'cause I love snow so much !

Samedi, il est 20h. Le rallye est fini et ce sentiment étrange m'envahit. Je suis heureuse, je m'en veux, j'ai envie de recommencer, j'ai envie de tout revoir pour tout enregistrer et ne jamais oublier. Le Rally Finnskog en Norvège était une aventure, mais exactement ce dont j'avais besoin ces derniers temps. Sous une neige qui a saupoudré notre pare-brise toute la journée, j'ai participé à un "Snow Rally" dans les meilleures conditions environnementales. Ce qui a manqué, c'est une même vision du rallye avec le pilote, plutôt touriste, courageux certes, mais peut être pas vraiment pilote de Rallye dans l'âme. Je lui souhaite de trouver "chaussure" à sa "pédale".

"Is this the bus that goes to Kongswinger, please ?". Le conducteur de bus, moustachu et sympathique, descend du bus et met mes bagages dans la soute. Un autre norvégien, moustachu aussi, et qui habite en fait à Kongsvinger, se propose de m'accompagner jusqu'à mon arrêt de bus. Et il me raconte pleins de choses : la longueur du fleuve qui traverse la ville, le coût de la pêche au saumon... Puis soudain, une femme qui m'avait entendu parlé de mon amour pour les Elans m'en montre deux au loin, sur une étendu blanche. Le voyage commence bien... je me sens bien entourée. Les Norvégiens sont accueillants, et j'ai besoin de me sentir accueillie.

J'arrive à la Cafeteria Gjestegard où nous sommes hébergés. Roy Harn, le chef des lieux, m'emmène dans le "Basement" (sous-sol) où logent normalement les travailleurs saisonniers. Et il est là : Olivier Hugla, le pilote que je n'ai pas rencontré avant de m'engager dans cette aventure. Un petit personnage expressif se présente à moi. Il parle beaucoup, comme au téléphone. Stressé et toujours en train d'effectuer des mouvements rapides et peu précis, son esprit part dans tous les "sens". Je lui montre tout le matériel que j'ai amené pour ce rallye, il y porte peu d'attention. Son casque est bidouillé, il n'a même pas pris la peine de visser le micro qui "pendouille" le long de son coup. Il est "à l'arrache" et j'avoue, je n'apprécie pas.

Vendredi, les notes compliquées en mains, dans une petite Hyundai I20, nous sommes stupéfaits. La SS1-Varaldskogen est étroite et sinueuse comme le Col de Bleine, mais on ne distingue pas l'asphalte enfouie sous 30 cm de neige. Les sapins sont immenses et si beaux qu'ont les croirait vivants avec une âme : on ne voit quasiment pas le ciel. Olivier Hugla déteste cette première spéciale. Il ne veut pas la refaire. Il n'aime pas le sinueux, ni cette étroitesse qui ne lui permet pas de glisser tranquillement à la faute. Des ponts étroits, des épingles, des Droites 2 very tricky (piégeux)... et des "Big Jump" impressionnants... on aimerait copiloter Solberg ! Olivier part en direction de la SS2-Homsjoen. Celle-ci est plus large et plus courte, mais malgré tout, le pilotage est technique. Elle setermine le long d'un lac gelé et recouvert d'une épaisse couche blance... c'est magnifique, tout simplement. "Nous devrions repasser dans la Spéciale 1, je dis à olivier. Vous verrez ! Elle vous semblera moins étroite au deuxième passage !". Il ricane, il ne me croit pas. Pourtant, dans ce deuxième passage, il roule plus vite. Il avouera qu'il lui avait semblé moins étroite, moins agressive pour les petits français que nous sommes.

C'est l'heure des vérifications techniques. Trois norvégiens se moquent dans un langage que je ne comprends pas pendant qu'ils inspectent la vieille Volvo 240 d'Olivier qui n'est pas entretenue comme une auto de course. D'ailleurs, Olivier n'est même pas à côté de l'aito... il est en train de "bavasser" de manière insupportable. Mon regard est tranchant envers les commissaires, je le sais... mais cela me fait de la peine parce que c'est la première fois que je ne suis pas fière du "peu" que j'ai entre les mains. Il est 19h, nous émigrons dans la cellule de lavage de la Station essence Statoil pour installer la radio, la caméra et changer les pneus en étant plus au chaud. Olivier a acheté deux pneus clous à 30% d'usure... les clous sont énormes ! Mais les trois autres pneus sont crevés. Il s'en rend compte à 20h la veille du rallye : j'enrage. Je ne me retiens plus, le fauve est lâché. "Pourquoi ne vouliez-vous pas changer les pneus à 15h comme je vous avais dit ? Nous aurions eu le temps de rebondir !!!". Rentrés à la Cafeteria (en ayant perdu le pot d'échappement sur le chemin), quatre jeunes hommes sont autour de leur Mercedes de Rallye (si, si, c'est fréquent en Norvège !!!). Gentils comme on ne pourrait pas l'espérer en rêve, ils essaient d'appeler des pilotes et des garages en passant par les renseignements... tout ça pour nous trouver deux pneus. Olivier ne semble pas stressé. J'enrage encore plus. Jochen, un Allemand très impliqué dans la Volvo Cup Original, nous prête deux pneus dont 50% des clous sont inexistants. Il est 22h, la veille du rallye. "Really, you shouldn't take these tyres, they're no good for racing anymore !" nous répète-t-il. Mais nous les emportons quand même, nous roulerons avec des pneus très très usés à l'arrière. Je travaille mes notes à l'hôtel pendant qu'Olivier change les pneus dans la neige, dans le froid. Nos quatre norvégiens, rentrés de leur dîner, lui filent un coup de mains. Je les croise en allant grignoter un sandwich. "I'm not used to racing a rally in those conditions, you know" je leur dis. Je ne veux pas que les Norvégiens garde une image "minable" des Français en rallye. Sous son bonnet, avec sa peau lisse norvégienne mais un peu rouge de ce froid glaçant, Andreas Jahren, le pilote de la Mercedes, me dit qu'il va se coucher pour préparer la course de demain, en regardant les JO (of course !). Ce sont des amateurs qui essaient de faire au mieux... ils me font penser à Thierry et notre équipe, en France. Ils me rassurent. Je les aime bien.

Samedi matin, en ligne au Parc fermé, la neige tombe drue ! Olivier est tellement content, ça cela m'énerve : il ne comprend pas que je suis déçue de cette organisation "à l'arrache". Nous sommes dans la première spéciale. Olivier ne roule pas très vite, il prend ses marques. Et moi, je m'habitue doucement au système de notes. Ses accélérations ne sont pas franches et les freinages sont tôt. Sous cette neige qui tombe, la route est impressionnante et bleutée. "Attends, attends, il y a deux voitures qui veulent me passer" j'entends à peine dans la radio alors que son micro pendouille le long de son cou. Nous n'avons fait que 5km... et déjà, nous sommes rattrapés. Je suis surprise, perdue... Il me demande d'arrêter de lire les notes, je cherche un endroit que nous avons noté pour se laisser doubler mais 30cm de neige sont tombés... et je me perds dans les notes. Ces pages coloriées de jaunes et orange sont devenues mes ennemies. Pendant cette Spéciale 1, je les déteste ! Je les hais ! Impossible de me retrouver. Je ne cesse de m'excuser dans le micro. Je ne cesse de me détester... je regarde la route, et je me dis qu'elle est tellement belle... mais que les conditions d'équipage sont exécrables. Je m'en veux... Je cherche... Je me perds... J'angoisse... et environ 10kms passe alors qu'Olivier roule à vue. J'ai honte, c'est la première fois que je me perds dans mes notes. Dans la SS2, je me perds encore sur une erreur de notes mal corrigée en reconnaissances... et tout est blanc, si blanc... Je retrouve un repère mais tellement tard... J'ai l'impression que l'on me donne une gifle pour tout le mal que j'ai pu faire ou dire. Je paie le prix, j'ai encore beaucoup à apprendre.

Départ de la SS3, je ne rigole pas. J'ai marché avec le copilote de devant jusqu'au contrôle de pointage, dans la neige, les mains dans le froid, pour vérifier une erreur de commissaire sur mon carnet. Dans la spéciale, je n'écoute pas Olivier. Je joue mon rôle de copilote, peu importe s'il m'énerve. Des voitures veulent nous doubler mais je continue à lire les notes, je lui dis de ne pas stresser, ce n'est pas grave. Je l'encourage, je le rassure, lui demande de se concentrer... je fais abstraction du personnage : je suis copilote, it's my job today ! Cette spéciale est parsemée de rails profonds. Si vous les quittez, vous partez à la faute. Et puis une série d'au moins 6 épingles. Une Nissan Alméra nous double et "tire le câble" dans une épingle droite. Je l'envie car Olivier ne câble jamais. Il glisse très peu, alors que j'adore ça, et ça bouscule cette neige si blanche, ça me fait "flipper". Il ne joue pas sur les transferts de masses... il ne fait pas râler la Volvo ! Mais reconnaissons lui un sacré courage pour courir sur ces routes entièrement constituées de neige fraîche. La SS3 est finie, je ne me suis pas perdu. Olivier n'arrête pas de me féliciter. Et dès qu'il parle, il m'énerve et je ne sais pas pour quelle raison je ressens cela.

Nous entrons au Parc d'Assistance, installé sur l'hippodrome entièrement gelé où j'avais réussi 4 ou 5 freins à mains pendant nos reconnaissances. Nous cherchons nos quatre norvégiens qui ont accepté de garder nos deux pneus crevés pour vérifier leur pression. La Volvo garée, c'est la première fois que je n'ai rien à faire pendant 20 minutes d'assistance. Olivier va grappiller un petit plat au camping-car de la Volvo Cup. La Mercedez Norvégienne entre au parc. Son pilote sort avec un immense sourire. "We were first in the class but we made a little mistake !" il sourit. Ils ont perdu 1 minute en partant à la faute et restant bloqués dans la neige. Son copilote sourit, il est très grand. Ils ont l'air de s'amuser comme des fous dans cette "Benz" ! J'aimerais être à leur place... sur la même longueur d'onde, dans une auto que l'on fait rugir de plaisir ! Pendant ce temps, mon petit bonhomme français, toujours aussi content et dans ses rêves, déambule autour des équipes d'assistance, en cherchant vainement à prendre une photo de moi sans savoir sur quel bouton appuyer !

Le deuxième tour des 3 spéciales commence ! Dans la 1ère spéciale, je ne me laisserai pas faire ! Elle défile... ces murs blancs et toutes ces crêtes sur crête sur crête... qui n'en finissent jamais. Maintenant, je visualise bien un 2 Right d'un 3 Right (droite pour les French !). Toujours sur mes gardes, je lis les notes sur un tempo. Et j'aime le son et la mélodie des notes en anglais... Comme le disait ma mère, "l'Anglais est une langue chantante, pleine d'intonations". Et j'ai parfois l'impression de lire une histoire à des enfants dans un théâtre, avec des moments de peur, des moments "zen", des moments d'intrigue et des moments de "Go, go, go !!!"... Ces crêtes cachent tellement de choses... nos "ciels" français ne sont rien comparés à ces petits pics disposées chaque 100 mètres sur les routes norvégiennes enneigées. Nous améliorons le chrono d'1min. 37".

Au fil des spéciales, le pilotage d'Olivier Hugla s'améliore. Il roule de plus en plus vite... dans son rythme. La neige cesse petit à petit de tomber. Au départ de la dernière spéciale, je regrette déjà que ce soit la fin. Et les voitures de derrière mettent plus de temps à nous rattraper que d'habitude. Les rails sont encore plus creusés et les lignes droites ne ressemblent pas à des lignes droites françaises ! Dans les épingles, j'aimerais qu'on glisse ! "50 : 6 Left 2 Right minus opens on crest and Finish on 30 : 6 Left over crest !", ce fut mes derniers mots de ce rallye norvégien !Nous rentrons au Parc Fermé, Olivier était tellement content. Il me dit "Tu es la meilleure copilote que je n'ai jamais eu". Et je pense "Pourquoi est-ce que ces mots que l'on a attendus de la bouche d'un autre ne vous touchent pas quand ils viennent de la bouche d'Olivier Hugla ?". Le vainqueur du rallye arrive sur le car-podium. Le champagne jaillit dans tous les sens alors que le froid saisit mes mains.




Une gaufre norvégienne avalée, je discute avec deux norvégiens de notre classe. Ils ont fini 2nd suite à une erreur de pointage du copilote qui valait 1 minute de pénalité. "You should come back and ride with a real driver, with a norwegian, you'd know what it feels like ! ANd then you'd really like it !" me lance le copilote norvégien un peu prétentieux, pendant que son pilote, du style beau gosse mystérieux et norvégien, tire un peu la tronche ! Il veut dire qu'il faut que je refasse un rallye sur neige avec un pulote de rallye qui m'en mette pleins les yeux... qui glisse et glisse !!! Et Olivier entend ces mots mais ne réagit pas. L'équipage suédois discute avec nous de ces moments de glisse... de ce pilotage si fin et si grossier à la fois ! Et c'est ce qu'ils aiment les scandinaves : glisser... until the end !

Jour de départ pour la France : j'angoisse à l'idée de ne plus voir mon immensité blanche ! Je suis triste de ne pas avoir fait la connaissance rapprochée d'un élan. Une chose se confirme être vrai : je pourrais et j'aimerais vivre dans un pays où les hivers sont blancs comme neige, où il fait froid mais ça n'a pas d'importance car je peux me lever le matin, regarder par la fenêtre sans mes lentilles et ne voir que du blanc. Roy Harn, Bente, la jolie blonde, et le cuisinier de la Caféteria ont été tellement accueillants et rassurants. Et je remercie le gentil chasseur du Nord et son chien, Delko, qui m'ont emmené gratuitement jusqu'à l'aéroport. Être ici me fait rêver, parce qu'en Norvége, je ne suis pas une française comme les autres... Je suis La Française ! Et j'aime ça !


Thank you and good luck for Andreas Jahren and his co-driver and little team for Nummedalsrally 2010 on 6, March 2010. Enjoy !


Olivier Hugla et Réjane : 4:45.
Andreas Jahren : 6:45

A Norwegian Mercedez ! Driver : Andreas Jahren.


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"Saturday, it's 8 PM, on my bed at Cafeteria Gjestegard. Rally's over. And I'm quiet and thoughtful. This strange feeling is getting me. I'm happy, I feel regrets, I wanna do it again, I wanna see it all again with my eyes wide opened and tape it so I'll never forget. Rally Finnskog was an adventure, but actually it was exactly what I needed lately. Snow rally is the best. But I'll do it again in a better way !"

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